Depuis trois ans, la Journée internationale du vivre ensemble est célébrée chaque année le 16 mai. Proclamée le 8 décembre 2017 par l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’initiative de l’Association internationale Soufi Alawiyya avec le soutien de l’Algérie, cette journée représente la reconnaissance par la communauté internationale des efforts soutenus par l’Algérie pour promouvoir une culture de paix, de dialogue, de respect mutuel et de tolérance entre les peuples. Aujourd’hui plus que jamais, cet événement revêt une grande importance. Oui, car cela se produit précisément à un moment où les fractures et les facteurs de division augmentent de façon exponentielle. Pourquoi cette journée reconnaît-elle le rôle de l’Algérie dans la paix? On en parle avec Ahmed Boutache, ambassadeur d’Algérie en Italie Il convient de rappeler que le 16 mai 2018, la Journée internationale du vivre ensemble en paix a été célébrée dans le monde entier et pour la première fois.
Ahmed Boutache, ambassadeur d’Algérie en Italie
Le 16 mai sera célébrée la Journée Internationale du Vivre-ensemble en paix. Cette journée reconnait-elle le rôle de l’Algérie dans la paix?
Pourquoi?
A titre de rappel, c’est le 16 mai 2018 que la journée internationale du Vivre-ensemble en paix a été célébrée à travers le monde, pour la toute première fois. C’est non sans fierté que je voudrai également rappeler le rôle moteur joué l’organisation de cette manifestation, d’une très grande importance et sans précédent, par l’Algérie dont l’initiative inspirée, naturellement, de son histoire et de ses principes a pour objectif la promotion des valeurs de paix, de réconciliation et de tolérance au sein des sociétés humaines, sans exclusion, et entre tous les membres de la communauté internationale.
Le rôle de l’Algérie dans la journée internationale du vivre ensemble
Il est tout à fait évident que la proclamation d’une Journée internationale dédiée spécifiquement au Vivre-ensemble en paix porte en elle la reconnaissance de la communauté internationale quant aux sacrifices consentis par l’Algérie pour mettre un terme à la violence et à l’extrémisme et ramener, chez elle, la paix et la sécurité, d’une part, et quant à ses efforts en faveur de la promotion de la culture de la paix et du dialogue, d’autre part.
Reconnaissance internationale de l’Algérie
Cette reconnaissance internationale à l’égard de l’Algérie s’exprime assurément à travers la résolution 72/130 de l’Assemblée générale de l’ONU qui a retenu la date du 16 mai comme Journée internationale du Vivre-ensemble, traduisant ainsi l’adoption d’un projet né en Algérie, en 2014. Elle traduit, par ailleurs, la consécration des valeurs de paix, de dialogue, de tolérance, de compréhension, de solidarité et d’inclusion que l’Algérie a toujours fait siennes comme en atteste son implication dans la médiation internationale et la recherche de solutions politiques à différentes situations conflictuelles dans ses aires d’appartenance géographique et même au-delà.
La paix dans un contexte de guerre
Comment s’insère une journée mondiale consacrée à la paix entre les peuples dans un moment où les divisions et les divergences entre les peuples se multiplient?
C’est précisément la multiplication des foyers de tension, des divisions et des divergences qui appelle et impose, elle-même, une démarche de dialogue, de paix et de réconciliation. C’est dire donc toute l’opportunité de la proclamation d’une Journée internationale du Vivre-ensemble en paix qui véhicule des valeurs qui devraient avoir droit de cité partout dans le monde. Bien évidemment, le chemin à parcourir, à cet égard, est encore long. Il faudra en effet de très nombreuses années et des efforts incommensurables pour parvenir à une nouvelle conception des relations internationales débarrassée des égoïsmes nationaux et de la prévalence du matérialisme qui sont à l’origine de tant de malheurs subis par l’humanité. L’important est que le premier pas soit fait. Comme disent nos amis chinois, même le plus long voyage commence par un pas.
La pandémie a révélé la vulnérabilité des hommes
Si, comme one le dit quelquefois, à quelque chose malheur peut être utile, alors, il faut espérer que la pandémie mondiale qui s’est brutalement abattue sur tous les pays et a mis à nu la vulnérabilité des hommes et de leurs modes d’organisation économique et sociale, ainsi que la futilité des égoïsmes nationaux, nous incline à davantage d’humilité et nous apprenne à adopter des comportements empreints de davantage d’humanité et de solidarité.
L’isolement
Le confinement imposé à une grande partie de l’humanité a été assurément une opportunité exceptionnelle de débats d’idées et d’échanges, à tous les niveaux et sur tous les thèmes possibles et imaginables. De cette expérience si unique émergera certainement, dans la période post-pandémie, un citoyen nouveau, et de nouvelles sociétés humaines, à tous égards. Quant aux relations internationales et au multilatéralisme telles qu’ils ont évolué depuis la fin de la deuxième mondiale, il faut d’ores et déjà se résoudre à considérer qu’ils ont vécu et que nous assisterons inéluctablement à leur profonde transformation.
L’islamisme défend la paix
L’Islam est sans doute une religion qui défend la paix et le vivre-ensemble. Néanmoins, comme d’autres religions, il devient un prétexte derrière lequel se retranchent des comportements belliqueux. Pourquoi, au nom d’un Dieu, autant de mal continue à être perpétré?
L’Islam, et je ne vous apprends rien puisque vous l’affirmez dans votre propre question, est une religion de tolérance et de paix. Le Saint Coran nous enseigne, entre autres, de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas que d’autres nous fassent à nous-mêmes. C’est là la quintessence même de l’altruisme ainsi que de l’amour et du respect de son prochain. Malheureusement, nous assistons, souvent, impuissants, à la dénaturation du message coranique à des fins absolument condamnables. L’extrémisme religieux et le fanatisme ne sont pas propres à l’Islam et aux sociétés musulmanes. Les autres religions monothéistes n’en sont pas exemptes. Aujourd’hui, des charlatans en tous genres envahissent les espaces de communication publics pour distiller le discours de la haine et de l’exclusion.
L’extrémisme religieux n’a rien à voir avec l’islam
Sur le plan du principe, l’extrémisme religieux et le recours à la violence, dont l’Algérie a subi les affres, sont tous les deux absolument condamnables et aucun être humain sensé ne saurait les cautionner ni les justifier. L’Islam, qui nous enseigne que tuer une personne c’est tuer l’humanité toute entière, condamne, ainsi, de façon irréfutable les crimes odieux commis en son nom par des terroristes que l’on qualifie, souvent, hélas, dans certains cercles et médias occidentaux de « djihadistes » alors que ce ne sont que de vulgaires criminels dont la place n’est nulle part ailleurs qu’en prison.
La paix n’est pas une revendication religieuse
La paix ne signifie pas revendication de l’Islam, du Catholicisme ou de l’Indouisme. Quel comportement faut-il adopter entre les différentes religions pour promouvoir la paix entre les peuples ?
Nous sommes tous les créatures égales d’un Dieu unique que nous prions tous, mais, de différentes façons spécifiques à chaque religion. Ceci devrait nous incliner à la tolérance, au respect mutuel et au dialogue en vue d’une meilleure compréhension mutuelle. Une action vigoureuse et soutenue contre l’injustice, les inégalités sociales et l’intolérance religieuse constitue la voie la plus appropriée pour la construction de la paix entre les peuples.
La femme
De quelle manière changer le rôle des femmes dans ce contexte de paix?
Lorsque nous parlons du respect pour autrui, naturellement, ce respect va également et intégralement à la femme. Ce respect de la femme commande, enconséquence, que soit laissée à la femme elle-même le soin d’identifier et de définir les voies et moyens qu’elle juge les plus appropriés pour apporter sa propre contribution à la construction de la paix. Aujourd’hui, la femme est présente dans toutes les sphères d’activités humaines dont absolument aucune n’est exclusivement réservée à l’homme. La parité est devenue une règle d’or, à tous égards, même s’il est vrai que le statut de la femme n’est pas vraiment le même partout et a fortement besoin d’être revu et corrigé, voire même révolutionné, dans certaines parties du monde.
Un plan socio-économique au nom de la paix
Quels sont les éléments pour créer un plan socio-économique voué à la paix ?
De toute évidence, c’est là une question qui s’adresse plutôt à un expert en économie, ce que je ne peux prétendre être. Toutefois, comme je vous l’ai déjà dit et au risque de me répéter, il est clair qu’un système socio-économique qui s’inscrit dans une dynamique de paix doit reposer sur une justice sociale et une égalité des chances quant à l’accès à tout ce qui est de nature à concourir à la construction de la vie de tout être humain, notamment l’éducation, la santé, le travail, le logement… N’oublions pas la sécurité sans laquelle aucun développement n’est possible.